Aide à mourir et économies : fabrique d'une fausse bannière
La Fondapol et la manipulation de l'opinion en ligne
La stratégie de la fausse bannière est une méthode classique de manipulation de l’opinion. Wikipédia la décrit comme suit :
Les opérations sous fausse bannière ou sous faux pavillon (parfois désignées « sous faux drapeau », calque de l'anglais false flag) sont des actions menées avec utilisation des marques de reconnaissance d’un tiers, souvent d’un ennemi.
L'usage momentané d'une fausse bannière est une ruse de guerre courante destinée à tromper les observateurs tiers. Par contre, l'opération militaire effectuée avec une fausse bannière, c'est-à-dire l'usage des armes en se déguisant en ennemi, est considérée comme une perfidie, qui est un crime de guerre.
Cette technique a été utilisée comme prétexte pour commencer des guerres ou pour décrédibiliser des opposants politiques. Pour gagner rapidement un point Godwin, il suffit de penser à l’incendie du Reichstag.
Dans le débat public, il est souvent plus facile de convaincre contre que de convaincre pour. Les mauvais arguments adverses sont ainsi généralement mis en avant pour convaincre. Le ‘nutpicking’ est la technique consistant à faire passer les arguments adverses les plus fous comme étant représentatifs. Il s’agit alors de donner à ces arguments le plus d’écho possible. C’est d’autant plus facile si les nuts se prêtent au jeu afin de gagner en visibilité sur les réseaux sociaux. C’est gagnant-gagnant, sauf pour le débat public qui se polarise. Une autre technique, utilisée par les chaînes infos et les talk show est de choisir un contradicteur à la star animateur bien moins charismatique, à la fois gris, imprécis et un peu lâche. Son rôle est de vocaliser les arguments adverses puis de servir d’‘homme punching-ball’. Cette technique a largement été utilisée par les médias de Murdoch et aujourd’hui de Bolloré. Aussi, sur les réseaux des faux comptes anonymes d’extrême gauche servent à décrédibiliser la gauche. Encore plus perfide, il existe des faux comptes de gauche, critiques de l’extrême-droite… tenus par l’extrême-droite. L’objectif est d’augmenter l’écho autour des thèmes abordés par l’extrême-droite (et de pouvoir réduire le volume et la qualité des critiques au moment voulu).
L’opération que je critique ici est plus subtile car elle se déroule à visage découvert. Elle participe tout de même à une argumentation fausse bannière. Le procédé est sophistiqué.
Dans un premier temps, la Fondapol publie une étude sur “les non-dits économiques et sociaux du débat sur la fin de vie”. L’étude ne cache pas spécialement son point de vue critique comme le montre son résumé :

La subtilité provient du fait que le rapport inclut une estimation précise des économies budgétaires liées à l’aide à mourir, soit 1,4Md d’euros d’économies annuelles de dépenses de santé (sans prendre en compte les retraites) :
(2) Dans un deuxième temps, ce chiffre est repris dans le titre d’un entretien au Point de l’autrice du rapport :

La note de la Fondation Fondapol est présentée par le Point comme “iconoclaste” dans le chapeau de l’article, seul extrait disponible aux non-abonnés au Point (soit à peu près tout le monde). Il n’y est pas mentionné le point de vue extrêmement critique de l’auteur et de l’autrice sur l’aide à mourir :
(3) Dans un troisième temps, l’argument eugéniste atteint les réseaux sociaux pour y être dénoncé (par des personnes parfois consentantes dans cette manipulation, parfois non):
L’objectif atteint est de fédérer droite conservatrice et gauche anticapitaliste contre une vision économiciste… sauf que l’argument de l’économie généré par l’aide à mourir est planté par ses adversaires, pour le dénoncer.
La Fondapol est ainsi d’un cynisme complet. Elle dénonce un argument, économique, qu’elle a elle-même planté. Le chiffrage des économies n’a pour seul but que de dénoncer l’idée que l’on puisse faire des économies avec la mort.
Perfide.