Le 20 janvier 2025 restera sûrement un tournant. Reste à savoir dans quel sens. S’enfonce-t-on plus profondément dans la post-démocratie, la post-vérité, les rapports de force permanents ? Ou bien les conséquences d’expériences américaines nous feront-elles au contraire revenir aux valeurs des Lumières (revenir à la raison) ?
Mon intuition est qu’il faut parier sur ce qui nous unit tous, la vérité, et, parier sur ce qui nous unit à gauche : la recherche de la vérité et de la justice sociale. Il s’avère que les deux ne sont pas sans liens, à la fois en théorie et dans l’histoire. Le lien est au moins double. On ne peut atteindre la justice qu’en transformant la société, mais on ne peut la transformer qu’en la connaissant réellement - et pas qu’intuitivement. Aussi, la question de la justice, n’est elle-même pas sans lien avec les faits. Il ne suffit pas qu’une situation paraisse injuste pour qu’elle le soit. Les choses ne sont pas toujours ce qu’elles paraissent. La question de l’équité est une question à débattre en confrontant des points de vue factuels et en sortant de positions de principe.
Il faut donc, à gauche, sortir de ce que l’on peut appeler le “néo-gramscisme”. Mais pourquoi s’intéresser à la gauche ce 20 janvier ? Faut-il toujours se focaliser sur la gauche, même quand l’extrême-droite arrive au pouvoir ? Il s’avère que le néo-gramscisme n’est pas sans lien avec l’extrême-droite.
Mais qu’est-ce que le néo-gramscisme ?
Cette émission de Radio France donne un début d’explication. Je reprends l’introduction :
Le néo gramscisme (En quête de politique, 14 octobre 2023)
Le concept gramscien “d’hégémonie culturelle” est notamment utilisé dans le débat politique et sur utilisé par la droite intellectuelle. L’idée selon laquelle, avant conquérir les manettes du pouvoir il faut d’abord imposer ses codes culturels et ses évidences. Donc mener la bataille culturelle, tous les jours et sur tous les fronts. Le terme de “bataille culturelle” ou la “guerre culturelle” a été théorisé par le sociologue américain James Davinson Hunter en 1991, qui annonçait la polarisation des débats telle que nous la vivons aujourd’hui des deux côtés de l’Atlantique. Pour Gramsci comme pour Hunter, il est question d’imposer son récit, sa vision du monde pour, finalement rendre ses options politiques évidentes. C'est ainsi, que, constatant la progression des idées et manières de voir de l’extrême droite dans notre pays mais bien au-delà, on a pris l’habitude de dire que la droite et l’extrême droite étaient en train d’imposer une forme d’hégémonie culturelle.
David Cayla définit le “populisme de gauche” - je préfère le terme néo-gramscisme - comme cela (Le populisme de gauche a-t-il un avenir ?) :
Tel qu’il a été théorisé en 2018 par Chantal Mouffe, le populisme de gauche repose sur les principes suivants :
1.Le rejet de la vision marxiste fondée sur l’opposition capital / travail. Pour Mouffe, la conception traditionnelle de la gauche n’est plus audible car cette dernière a longtemps limité sa définition du « peuple » à une conception économique et les luttes politiques à la défense d’une classe ouvrière essentialisée. À l’inverse, Mouffe insiste sur le fait que des luttes nouvelles sont advenues depuis les années 1970 : mouvements antiracistes, droits des LGBT, combats écologistes… Ces nouvelles revendications doivent être mieux prises en compte et articulées entre elles au sein des stratégies de gauche.
2.S’appuyant sur la pensée de Gramsci, Mouffe considère que la société fonctionne sur la base d’une succession de phases d’hégémonies culturelles qui imposent une certaine vision du monde et s’inscrivent dans les institutions. Par exemple, avec l’arrivée de Thatcher dans les années 1980, l’hégémonie néolibérale aurait succédé à la phase de partage hégémonique caractéristique de l’époque keynésienne. Cette culture néolibérale se serait ensuite diffusée au sein de l’appareil d’État qui ne peut de ce fait être considéré comme un agent neutre politiquement.
3.La crise financière de 2008-2009 a entrainé la déstabilisation de l’hégémonie néolibérale. Cette situation ouvre ce que Chantal Mouffe appelle un « moment populiste », une situation sociale qui permettrait d’instaurer une nouvelle hégémonie politique. Cette lutte pour l’hégémonie prend la forme d’un affrontement entre deux visions. Une vision réactionnaire (populisme de droite ou d’extrême droite) et une vision que Chantal Mouffe entend promouvoir : le populisme de gauche.
Les leaders de la gauche doivent donc saisir cette opportunité en engageant une bataille culturelle rassemblant les mouvements de gauche et les revendications communautaires variées afin de « construire un peuple » sur le principe d’une « chaine d’équivalences » permettant d’articuler ensemble les revendications très variées des luttes s’opposant au néolibéralisme : écologistes, féministes, ouvriers, anti-autoritaires, anti-racistes…
4.Ce rassemblement du « peuple » ainsi construit par la bataille culturelle permettrait d’engendrer un « nous » collectif fondé sur l’opposition avec le « eux » de « l’oligarchie ». L’établissement de cette nouvelle frontière peuple / élite doit être l’occasion de « radicaliser » une démocratie fondée sur des antagonismes qui sorte de « l’illusion du consensus » caractéristique de l’ère libérale et de la gauche sociale-libérale.
Je préfère parler de néo-gramscisme que de populisme de gauche parce qu’il y a d’autres formes possibles de populisme de gauche, notamment un populisme économique pro-travailleurs (anciennement ouvriériste mais nécessitant une actualisation).
Mouffe entretient une confusion stratégique concernant son attachement à la démocratie, à la raison, au libéralisme des Lumières. Sa critique de la démocratie libérale issue des Lumières est-elle une critique interne (la démocratie n’est pas achevée) ou externe (il faut l’achever et passer à autre chose) ? Qu’est-ce exactement que la “démocratie radicale” qui doit remplacer la démocratie libérale ?
Chez Mouffe, le populisme est défini comme suit :
Laclau définit le populisme comme une stratégie discursive établissant une frontière politique qui divise la société en deux camps et appelle « ceux d’en bas » (underdog) à se mobiliser contre « ceux qui sont au pouvoir » (Pour un populisme de gauche, 2018).
Le populisme est une rhétorique (ou une démagogie?) anti-oligarchie. Mouffe pointe une tension dans la démocratie libérale entre l’idéal de liberté et l’idéal d’égalité. Mais cette tension était comprise par les révolutionnaires issus des Lumières, de sorte qu’ils ont gravé au fronton des mairies et des écoles : “Liberté, Égalité, Fraternité”. Si liberté et égalité sont deux valeurs, c’est qu’elles ne sont pas les mêmes valeurs et donc qu’elles sont potentiellement en tension. Cette tension est fructueuse et en partie dépassée par l’ajout de la Fraternité. On remarquera que les révolutionnaires n’ont pas gravé “Liberté, Égalité, A bas ceux qui sont au pouvoir”, peut-être parce qu’ils étaient au pouvoir à ce moment là.
A l’instar de Machiavel, les ouvrages de Mouffe sont des ouvrages concernant la conquête du pouvoir, ici par une “stratégie populiste de gauche”. Elle y critique Rawls ou Rosanvallon et ceux qui appellent à la délibération raisonnée et qui tomberaient ainsi dans “l’illusion du consensus”. Mais en lisant les ouvrages, on ne saura pas ce que recouvrirait un régime populiste de gauche. En effet, Mouffe ne répond pas à la question de ce qui serait juste, elle répond à la question cynique concernant la conquête du pouvoir. Cela amène la gauche à débattre de la dose de conflictualité, de radicalité, de conflictualité qu’il faudrait introduire dans le champ politique et le débat public. Ce type de démarche a conduit à une primaire écologiste durant laquelle le principal débat était de savoir s’il fallait mieux être radical.e ou pragmatique. Or, cette opposition n’est pas dépassable ou débatable. Il est préférable de débattre sur une base doctrinale. Par exemple, les logiques sociale-démocrate, décroissante, auto-gestionnaire peuvent trouver des combats communs comme la réduction du temps de travail. La logique n’est pas d’additionner les luttes mais de trouver des voies pour dépasser les contradictions afin de lutter contre toutes les formes de domination.

Une autre solution pour éviter les débats est de se reposer sur un chef qui effectue tous les arbitrages. La quête populiste de la démocratie radicale a alors pour conséquence paradoxale de concentrer les pouvoirs au lieu de les partager. Certains diront que “c’est une étape”.
La démocratie a des ennemis mais les démocrates n’ont pas d’ennemis.
Le terme néo-gramscisme vient de l’utilisation par les défenseurs de cette stratégie de la figure de Gramsci et de certains de ses concepts dont “l’hégémonie culturelle”. Mais personne n’a besoin de Gramsci pour comprendre qu’il est préférable de gagner la bataille des idées. Reste à savoir si on gagne la bataille des idées en ayant des idées ou en criant plus fort. En réalité Gramsci était communiste, fondateur du parti communiste italien. Ni Mouffe ni a fortiori l’extrême droite, ne sont gramscistes au sens de ce pourquoi Gramsci luttait.
La figure de Gramsci sert en réalité à cacher une influence plus importante : Carl Schmitt. Schmitt est ce que l’on appelle aujourd’hui une “figure controversée” mais le terme “nazi” est également approprié puisqu’il était militant, dignitaire puis sympathisant du parti nazi entre 1933 et la fin de la guerre. S’il ne faut pas réduire la pensée de Schmitt à son passé nazi, il serait également périlleux de vouloir séparer le philosophe politique et le nazi. Pour Carl Schmitt, l’essence de la politique est le conflit et la désignation de l’ennemi :
Le jour où les peuples, les religions, les classes et les autres groupes humains sur cette terre, dans toute leur diversité, seront unis au point de rendre impossible et inconcevable une lutte entre eux, où la possibilité même d’une guerre civile au sein d’un empire englobant la terre entière sera très réellement écartée à tout jamais, où donc même la simple éventualité d’une discrimination ami-ennemi aura disparu, il n’y aura plus que des faits sociaux purs de toute politique : idéologie, culture, civilisation, économie, morale, droit, arts, divertissements, etc., mais il n’a aura plus ni politique ni État. J’ignore si la Terre et l’humanité connaîtront jamais cet état et quand cela se produira. En attendant, il n’existe pas. Ce serait une fiction malhonnête de le supposer réalisé et ce serait une méprise bien éphémère, vu la facilité avec laquelle une guerre entre grandes puissances se transforma de nos jours en guerre mondiale, de croire que la fin de cette guerre correspond par conséquent à la paix mondiale et donc à cet état idyllique de paix universelle où la dépolitisation est totale et définitive. [Carl Schmitt, La notion de politique, 1932]
Mouffe reprend la discrimination ami-ennemi mais de manière euphémisée, en rajoutant des adversaires :
Ce qui caractérise la démocratie pluraliste en tant que forme spécifique d’ordre politique, c’est d’instaurer une distinction entre les catégories d’ennemi et d’adversaire. Cela signifie qu’à l’intérieur du nous qui constitue la communauté politique, l’opposant ne sera pas considéré comme un ennemi à abattre, mais comme un adversaire dont l’existence est légitime et qui doit être toléré [… ] La catégorie de l’ennemi ne disparaît pas pour autant. » [Mouffe, 1994, p. 14].
Aujourd’hui n’est pas un mauvais moment pour reposer la question que se sont posées les philosophes de l’après-guerre (Arendt, Popper) : pourquoi le totalitarisme ? On peut rapprocher la définition de la politique d’Arendt, de celle de Schmitt afin d’apprécier la différence :
La politique traite de la communauté et de la réciprocité d’êtres différents. Les hommes, dans un chaos absolu ou bien à partir d’un chaos absolu de différences, s’organisent selon des communautés essentielles et déterminées. [Hannah Arendt, Qu’est-ce que la politique ? ]
Schmitt et Arendt sont d’accord pour dire que la politique commence là où il existe des différents. Mais pour Schmitt, la politique c’est l’ennemi et la guerre, alors que pour Arendt c’est l’organisation et la réciprocité. Le choix d’une vision ou de l’autre n’est pas sans conséquence.
Quelle convergence des luttes ?
Le peuple de Mouffe c’est la convergence des luttes écologistes, féministes, ouvrières, anti-autoritaires, anti-racistes. Si l’objectif est la conquête du pouvoir, il n’est en fait pas réellement besoin de hiérarchiser, il faut plutôt additionner les mécontentements et attendre le moment insurrectionnel durant lequel les incohérences relativement inaperçues. Sans reprendre nécessairement tous les éléments de la stratégie populistes de gauche, certaines rhétoriques à gauche s’en inspirent. Elles se revendiquent souvent de la bataille pour l’hégémonie culturelle et cherchent un ennemi commun.
La lutte contre les 1%
Il faut connaître le monde pour le changer. Il faut des connaissances pour comprendre l’ampleur des injustices. L’analyse par déciles et centiles des revenus, patrimoines, taux d’impositions, émissions de gaz à effets de serre, est précieuse, de même que les analyses territoriales, par genre, par âge... En cela, le tournant empirique de l’économie facilité par un accès plus important aux données a produit des connaissances importantes.
Ces analyses ont parfois été caricaturées, faisant croire que l’on pourrait régler le problème du déficit et de la dette en imposant seulement les 1% et le problème du dérèglement climatique en s’attaquant prioritairement aux 1%. J’en parle dans ces deux posts :
Les représentations biaisées posent deux problèmes. Du point de vue des politiques publiques, puisqu’il existe des remèdes miracles, elles empêchent la discussion, parfois difficile, sur les politiques publiques . Du point de vue politique, elle divise la gauche entre ceux qui croient à ces représentations biaisées et ceux qui n’y croient pas. La “bataille pour l’hégémonie culturelle” se retourne conte elle-même : les soldats sont aveuglés par leurs propres artifices.
La charge contre les 1% est à la fois trop étroite et pas assez précise. Trop étroite parce que les inégalités ne concernent pas que les 1%. Pas assez précise car le problème le plus sérieux en haut n’est pas la richesse mais le pouvoir économique et politique des capitalistes (voir Le Prix de la démocratie de Julia Cagé).
La lutte contre le néolibéralisme
Le néolibéralisme est également un ennemi trop pratique. Il est définissable et indéfinissable, le terme est à fois précis et utilisé de façon pas très claire. Il est équivoque … et utilisé de manière stratégique par les adversaires de la démocratie libérale.
Il existe un consensus parmi tous les auteurs ayant écrit sur le néolibéralisme que le terme revêt des significations différentes selon les époques et les auteurs qui l’emploi. Cela ne veut pas dire que le néolibéralisme n’existe pas, au contraire, il existe bien et est pluriel. Cela ne veut pas dire non plus qu’il n’y a pas des traits communs à tous les néolibéralismes. De là, on peut tenter une définition qui irait à l’essence du néolibéralisme (des néolibéralismes).
On peut définir le néolibéralisme comme un régime/ idéal-type1 ou comme une doctrine. Définie comme une doctrine, une définition possible, non péjorative, est la suivante : le néolibéralisme est une doctrine politique visant à consolider les économies capitalistes via des mécanismes de marché soutenus par l’État. Cette définition est relativement précise (apparemment), permet d’englober la plupart des choses que l’on appelle d’habitude “néolibéralisme”, et d’exclure les autres doctrines (apparemment).
Le problème de cette méthode peut être souligné en deux étapes.
(1) le terme néolibéralisme est *en réalité* TOUJOURS utilisé de manière péjorative dans le débat public. On ne peut utiliser un terme dans le débat public dans un sens autre que le sens usuel. Dans le débat public, un terme est chargé du sens que les autres lui ont donné avant nous. Le sens usuel de néolibéralisme est proche du sens académique mais péjoratif (pour quelqu’un de gauche), soit l’utilisation excessive de mécanismes de marché par l’État afin de protéger les capitalistes. L’expression est toujours utilisée dans le débat public dans un sens péjoratif proche de celui-là.
(2) Les utilisations péjoratives de ‘néolibéralisme’ sont peu précises : elles peuvent englober la plupart des politiques sociales-démocrates, si l’on définit la social-démocratie comme un compromis entre l’État et le marché.
L’ antinéolibéralisme est une critique des mauvais compromis, c’est une utilisation excessive des mécanismes de marchés. Le problème c’est que l’on ne peut définir de frontières entre les bons et les mauvais compromis, entre les utilisations excessives et les utilisations pertinentes. Quand commence le néolibéralisme en France ? Au tournant de la rigueur (1983) ? Au départ des communistes du gouvernement Fabius (1984) ? A l’élection d’Hollande (2012) ? Au départ des Verts suite à la nomination de Valls (2014) ? Cette question fait l’objet d’une lutte voire d’une guerre de représentation. Le néolibéralisme commence quand je ne suis plus d’accord avec les compromis effectués [de même que le néogramscisme commence quand je ne suis pas d’accord avec le dégré de démagogie utilisé].
L’utilisation politique du terme néolibéralisme est un piège car elle permet tous les amalgames. Elle peut viser à critiquer les compromis sociaux-démocrates. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu de mauvais compromis faits par le passé et qu’il ne faudrait pas exercer un devoir d’inventaire. Mais il faut être plus précis et ne pas utiliser un mot infamant qui pourrait trop facilement être utilisé pour des compromis qui nous paraissent légitimes. C’est le piège des luttes pour les représentations : il faut faire attention à ce que les raccourcis utilisés contre les adversaires politiques ne puissent pas être utilisés pour diviser son camp.
Mais pourquoi cela marche à droite ?
Comme le néo-gramscisme a l’air de fonctionner pour la droite et l’extrême-droite, on devrait reprendre ces stratégies, d’autant plus qu’elles viennent de la gauche !? Le problème avec ce raisonnement est qu’il n’y a pas de symétrie entre la gauche et la droite, et que le néogramscisme est en fait inspiré de l’extrême droite. On pourrait d’ailleurs plutôt parler de néo-totalitarisme.
Il n’y as de symétrie entre la gauche et la droite. En s’inspirant de Julliard ou Winock, on peut définir gauche et droite de la façon suivante :
La gauche s’oppose aux injustices sociales
La droite s’oppose à la gauche
Gauche et droite sont des camps. Vous ne pouvez être et de gauche et de droite. Si vous êtes ni de gauche ni de droite, vous êtes de droite (dixit la gauche). Le fait que la droite s’oppose à la gauche est assez évident. Elle n’existe que du fait de la gauche, s’il n’y avait pas de gauche il n’y aurait pas de droite. Mais c’est bien la gauche qui a instauré cette relation, déjà en s’opposant aux pouvoirs du roi en 1789 (ensuite il y a eu le mouvement pour la laïcité, pour le mouvement ouvrier, le féminisme). La droite se définit en réaction à ces mouvements. La droite n’avait par exemple rien contre les réunions en non-mixité jusqu’à ce que des gens à gauche s’en emparent.
Entre gauche et droite, il y a donc à la fois une symétrie et une asymétrie, la gauche étant dans le mouvement, la transformation sociale. Or, vouloir transformer la société est plus difficile que la conservation ou la réaction. Cela suppose surtout de se mettre d’accord sur les moyens, en démocratie cela suppose de convaincre suffisamment de personnes de faire un saut vers l’inconnu. La gauche est victorieuse lorsque ce saut est perçu comme raisonnable, non pas dans le sens d’un “petit saut”, mais dans le sens d’un saut approprié aux difficultés qui se trouvent devant nous et à nos capacités. Ceci nécessite de s’appuyer sur des faits et des compétences (et de projeter ce type de qualité). Lorsque la gauche (se) caricature, elle facilite le travail de la droite. Lorsque (l’extrême droite) caricature, elle espère créer la confusion et favoriser la demande d’ordre et d’homme fort. La gauche entend ramener l’ordre par la justice mais la justice ne se décrète pas, elle se construit pas à pas, en laissant chacun exprimer ses raisons.
Gauche et droite ne peuvent utiliser les mêmes techniques, parce qu’elles ne veulent pas arriver au même endroit. La gauche proposant d’avancer, elle a peut-être besoin d’être et de paraitre plus articulée et compétente. Les français n’éliront pas un Trump de gauche (de même que les américains n’ont pas élu de Trump de gauche).
Il vaut mieux paraitre raisonnable, compétent et vouloir changer les choses dans le sens d’une plus grande justice sociale mais est-ce que cela suffit ? Et pourquoi pas ?
Le néolibéralisme peut être défini comme un régime ou idéal-type. Dans cette démarche, le néolibéralisme est un des 4, 5, ou 6 types de capitalisme. Les Etats-Unis des années récentes par exemple seraient proche de ce type. En tant que régime plutôt que doctrine, il est plus aisé de traiter le néolibéralisme de façon non manichéenne car il est possible de trouver avantageux certains traits du régime socio-économique d’un pays comme les Etats-Unis, par exemple en termes d’innovation ou de niveau de vie.